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L'ECOLE  DE  SUMENE 
OU  LA SCULPTURE  SUR  MEUBLES

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Le placard Maison ROUJON dont il est fait mention dans cet article appartient depuis 2005 au Musée du Vieux Nîmes.

Le placard va être restauré pour être ensuite exposé au public.



Article de la revue SONNAILLES numéro 1
Henri BAUQUIER Conservateur des musées Archéologiques de Nîmes - L'Ecole de Sumène - Cahiers d'histoire et d'archéologie.



 
LA   SCULPTURE SUR MEUBLES
 
EN LANGUEDOC 
AU XVIIème SIECLE
 
 
 
Dans diverses études consacrées aux meubles sculptés du XVIIème dans le Languedoc cévenol, nous avons fait allusion à une catégorie particulière se rattachant d’une façon certaine à la petite ville de Sumène, située aux limites du Gard et de l’Hérault.
 
Cette catégorie mérite quelques pages spéciales dans l’ensemble du travail consacré aux meubles languedociens, car elle apporte des précisions, des confirmations d’hypothèse très précieuses là où les documents écrits désirables font à peu près complètement défaut.
 
Le titre " Ecole de Sumène" que nous venons de tracer en tête de chapitre est sans doute exagéré, mais il est d'emploi commode pour désigner une facture caractéristique et nous en faisons usage, arbitrairement peut-être, pour l'aisance des explications.
 
Les meubles de Sumène, dont nous donnerons description détaillée un peu plus loin, se rattachent à une pièce initiale par suite du nom "J. Brès" et de la date "1688" qu'elle porte. C'est à ces deux renseignements que cette pièce, un placard, doit son importance dans l'histoire du mobilier languedocien. Cette place initiale lui est d'autre part due, ayant été la première de ce genre étudiée voici quelques dix années. Ce n'est pas sans émotion que nous nous rappelons ce détail, car c'est à un renseignement donné par notre fils que nous devons sa connaissance. Cet intéressant placard se trouvait, et doit se trouver encore, dans l'immeuble qu'habitait alors le docteur Roujon, conseiller général du canton de Sumène.
 
Par la suite, M Sabatier, ancien maire de Sumène, nous a fait connaître plusieurs autres meubles analogues existant dans diverses maisons, entre autres à l'hôtel de Ramel : mais seul le placard vu au domicile du docteur Roujon porte le nom et le millésime permettant certitude sur l'origine et la date des documents en cause. Monsieur Sabatier, qui fut pour nous un collaborateur bénévole plein de complaisance, a bien voulu faire aux archives communales les recherches relatives au signataire du meuble. Il a pu transcrire à notre intention les actes de naissance et de mariage à Sumène, de l'ouvrier menuisier puis du maître menuisier Jacques Brès que l'on peut considérer comme ayant été le fil conducteur dans la classification des factures "décadentes" un moment discutées.
 
"Pourquoi, nous disait-on, vouloir que la facture languedocienne soit allée en dégénérant et non en progressant ; pourquoi placer le labeur enfantin après le travail magistral ?"
 
La date de 1688 accompagnant la signature de Jacques Brès, mise en comparaison de celle de 1635 relevée sur un des beaux meubles du château d'Espeyran suffit à établir de façon bien nette que les factures simplifiées et gauches sont postérieures et non antérieures à celles des splendides armoires à figurations bibliques, mythologiques ou symboliques constituant le grand apport des artisans languedociens à la production mobilière française ayant fait suite à la floraison de la Renaissance; La décoration florale ou feuillagère des grandes armoires du XVIIème, du fait des indications données par les meubles de Sumène, ne peut plus être considérée comme ayant précédé la décoration animée de la période précitée, à laquelle parfois elle s'est mêlée, mais en conservant encore une maîtrise d'exécution qui va momentanément disparaître après l'exode ouvrier provoqué par les persécutions religieuses ayant précédé et suivi la révocation de l'Edit de Nantes.
 
Il faudra maintenant attendre l'intervention et l'extension du style provençal, tout à fait différent, pour retrouver une facture artistique digne d'attention. Aux maîtres partis pour rester fidèles à leur conception confessionnelle, ont d'abord succédé des apprentis ayant conservé souvenir de leur méthode de travail pour établir la structure d'un meuble, mais n'ayant plus, comme nous l'avons indiqué dans une précédente note sur le mobilier languedocien du XVIIème siècle, leur science, leur savoir-faire en art décoratif.
 
Ce pont d'histoire fixé qui est, nous le répétons, l'intérêt majeur donné par la production de Jacques Brès et des artistes régionaux ayant pu l'imiter, voici les indications descriptives s'y rapportant :
L'Ecole de Sumène ou plus exactement "l'Ecole florale décadente" n'a plus de divisions d'ornement alors réparties en 6 panneaux. Tous les meubles que l'on peut y rattacher, armoires et placards, en comportent 12 : très exceptionnellement 10 lorsque, sur chaque porte, les panneaux rectangulaires de centre deviennent un seul panneau développé en largeur.
 
Différence avec les meubles à intervention partielle de décoration feuillagée, le type de Sumène a comme caractéristique dans la décoration des portes, la présence de fleurs plus ou moins stylisées sortant d'un vase ou piquées dans une corbeille, tantôt sur 4 panneaux, tantôt sur 8; Cette présence des vases et corbeilles est curieusement en avance d'un siècle sur un emploi futur assez fréquent sous la fin du XVIIIème et prolongement dans les débuts du XIXème siècle. D'autres panneaux n'ont que des feuillages à structure ornementale : détail local intéressant, l'acanthe classique a tendance à devenir sur le meuble de Sumène, très semblable à une fougère.
 
La présence d'un oiseau ou de deux se retrouve sur quelques panneaux de Jacques Brès, toujours posés de profil, les ailes collées au corps et d'une exécution tout à fait primitive, renchérissant encore de facture enfantine.
 
Un meuble étudié à Sumène chez Mme Monchablon venant du hameau de Castanet présente une particularité très notable : sur la rangée des panneaux du centre de chaque porte, la décoration florale est remplacée par un buste féminin, les bras relevés pour soutenir une corbeille posée sur la tête ; mais seul le haut de la composition est d'aspect féminin, la partie inférieure est de tracé insectiforme, rappelant l'abdomen du scorpion. Faut-il voir là quelque réminiscence mythologique ?
 
Dans les meubles de Sumène, les montants sont ornés de guirlandes vaguement fruitières et feuillagères, à relief plat pris dans le creusement du bois. La traverse supérieure ou frise présente les têtes angelines et les rinceaux habituels mais ceux-ci d'une décoration plus sommaire.
 
Une particularité montrant à quel point il faut être prudent avant d'enregistrer une remarque comme fait général nous a été fournie par le groupe des meubles de Sumène. En ayant examiné le plus grand nombre sans avoir vu la pièce de faîte parachevant le fronton, nous avons été sur le point de conclure que cette pièce avait disparu de la facture de J.Brès, devenue plus rudimentaire, moins somptueuse. Or, un jour, l'image d'une armoire se trouvant au château d'Avèse, chez M Teissier, présentant toutes les caractéristiques du placard de Sumène signé J.Brès et possédant sa pièce de faîte, en la circonstance, l'aigle si fréquemment remarqué sur les belles armoires de la grande époque. La pièce de faîte a donc existé sur les meubles d'origine suménoise comme sur les autres. Sa disparition a été simplement plus fréquente. Une heureuse exception nous a permis d'éviter une erreur en la supposant disparue du plan primitif de décoration.
 
 


 





 

 
 



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